Premier week end à Talca
Je me lève assez tôt naturellement et me prépare doucement. J'installe le petit déjeuner pour tout le monde et suis bientôt rejointe par ma famille d'accueil. Nous mangeons au son de Bossa Nova, célèbre jazz brésilien que me fait découvrir mon père d'accueil (qui, je m'en rendrais vite compte, est fin connaisseur et amoureux de musique). À mon tour, je leur fais découvrir Gainsbourg, de Ford Mustang à sa reprise de Prévert.
Après manger, nous continuons sur une note musicale. Mon père d'accueil me fait venir dans le grand salon et joue un morceau au piano puis à la guitare. En grand romantique, il m'explique que c'est la chanson qui représente ses débuts avec ma mère d'accueil.
Il m'enseigne ensuite une chanson de Violeta Parra, une voix emblématique du Chili et grande poète (tout comme son frère Nicanor Parra, fondateur notoire de l'Antipoésie).
"Gracias a la vida, que me ha dado tanto", la voix lente s'élève dans cette ode à la vie. Je dis moi même "gracias a la vida", d'être là, dans une famille que je ne connais que depuis trois jours mais dans laquelle je me sens déjà intégrée pour les trois prochains mois.
Après cette heure de musique, direction le CREA de Talca. "El CREA", Centro Regional de Abastecimiento de Talca, c'est l'équivalent de "la feria": un grand marché couvert aux mille odeurs et mille couleurs.
Tous les petits commerces sont ornés d'une ribambelle de drapeaux chiliens de toutes tailles. La fête nationale (le 18 septembre) approche à grand pas et dure tout le mois de septembre. D'ailleurs, à partir du premier septembre, la loi demande à ce qu'un drapeau chilien flotte au dessus de chaque foyer.
Des marchands de volantines (cerf-volants) fleurissent à chaque coin de rue en confettis de rubans et de motifs chateoyants. Le vent se lève et souffle sur les bourgeons en les pressant de dévoiler leur trésor. Avec l'arrivée du printemps (21 septembre ici), les chiliens ont la tradition d'aller dans la Pré-Cordillère pour faire décoller leurs cerf volants. Cette activité est donc typique de ce mois de festivités.
Avec ma famille d'accueil, nous nous dirigeons vers le Cerro de la Virgen, la colline de la Vierge, à l'extrémité ouest de la ville. Nous grimpons rapidement sur les zig zags de la route pentue. La vue sur Talca est de plus en plus dégagée et la Cordillère enneigée pointe le bout de son nez.
Nous roulons jusqu'à Pencahue puis Lo Figueroa. Sur les sièges avant je devine que mes parents d'accueil ont un but précis à cette ballade dans la campagne. Je ne comprends pas tout pour le moment et me laisse porter par le mystère. Je profite des paysages verts ondulants que nous traversons.
Le 4x4 tourne soudain à gauche sur un sentier cabossé pour se rapprocher d'un château d'eau vert pomme qui tranche avec les fleurs rose tendre à ses pieds. Nous descendons tous les trois de la voiture pour entrer dans une petite ferme où nous accueille une femme joviale et deux caniches sautillants. Le but de notre quête, je le comprends maintenant, est de goûter les empanadas préparés sur place. Malheureusement la dame ne les prépare que le dimanche... Pas grave ! On réserve une table et prévoit de repasser demain.
De retour à la maison, je passe à un moment à dessiner dans le salon et à échanger avec la France.
J'accompagne ensuite ma mère d'accueil pour recycler la montagne de déchets accumulés derrière la cuisine. Elle me dit qu'elle a l'habitude de recycler avec sa fille, mais qu'elle n'en a pas eu l'occasion ces dernières semaines. Nous nous rendons au Punto Limpio derrière le Mall le plus proche et entreprenons pendant une heure à trier chaque détritus dans le bon bac. Il y a un côté méditation dans cette tâche quelque peu mécanique effectuées sous le son puissant de tubes électroniques. Ça vide la tête.
En plus, nous sortons pile au moment du coucher du soleil et sommes enveloppées par le rouge du ciel.
En rentrant, nous nous mettons à cuisiner. J. s'occupe de la choucroute et je prépare le risotto aux champignons de maman. Petit à petit, l'odeur de ma maison bordelaise embaume la cuisine de la maison coloniale talquinaise.
Dimanche 1 septembre
Premier jour d'un mois entier de festivités ! Ça commence par un petit déjeuner typiquement chilien: des tartines d'avocat. L'avocat est un ingrédient essentiel des repas chiliens, et même sud américains. Ici, des tartines de purée d'avocat sont préparées chaque jour pour commencer la journée, mais aussi pour la finir. En effet, le dîner n'est pas souvent synonyme de plats solides et de cuisine sophistiquée. Il s'agit le plus souvent de "tomar once", c'est à dire boissons chaudes et tartines (d'avocat bien sûr, ou bien de "quesillo", un fromage frais).
Après manger, j'ai le droit à une deuxième session musique avec L. Je ne l'ai pas écrit hier, mais l'entendre jouer a réveillé les années d'études musicales enfouies en moi et mes doigts ignorants les chemins à parcourir sur le piano sont titillés, comme aimantés par les touches noires et blanches. Nous reprenons "Gracias a la vida", L. clairement dans son élément, moi un peu gênée par le tête à tête et le manque de pratique.
Quelle surprise cependant quand, me voyant lorgner le piano, L. me demande si j'aimerais apprendre le piano avec son frère qui enseigne ! Oui oui et oui !! Je me sens si reconnaissante que L. et J. m'offrent toutes ces opportunités ! Gracias a la vida, gracias a ellos!
Comme prévu, nous retournons à Lo Figueroa pour manger les "meilleures empanadas de tout le Chili"... Et donc du monde (si l'on oublie la diplomatie avec l'Argentine et tous les autres pays empanadivores). Ce met typique est en effet un délice. La carapace de pâte juste croquante renferme un jus vraiment exquis. Très chaud cependant ! Une expertise est nécessaire pour savoir le déguster sans accident. Il m'est arrivé de nombreuses fois dans l'espace de ces quatre mois que de l'enveloppe de pâte jaillisse de manière incontrôlée la lave savoureuse. Les conséquences sont parfois douloureuses puisqu'occasionnellement la lave a laissé des brûlures, sur les mains, à la commissures des lèvres...
Le volcan englouti, nous sortons de la ferme pour admirer le paysage magnifiques de collines alentours, accompagnés par le caquettement des poules.
Sur le chemin du retour, nous apercevons un match de foot de barrio sur la pelouse du petit village de Pencahue. Au Chili, chaque petite commune possède son équipe de football. Le week end s'organise des rencontres avec les villages environnants, mais aussi rencontres avec tous les habitants qui se réunissent pour encourager leurs champions.
Dans l'après midi, J. me fait essayer un gros blouson de cuir, ainsi que des gants, pantalon, et casque, bref toute un artillerie de vêtements de "motoquero". Je m'aperçois dans la glace et peine à me reconnais derrière cette armure de biker. Nous nettoyons ensuite les bolides, je monte derrière L. et nous voilà partis pour un tour plein d'adrénaline et de vent sur le visage, entre les vignes, la Cordillère et le soleil couchant, de quoi finir ce premier week end en beauté.
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